Interview de Romain Montiel, compositeur de la musique du Muséophone

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photo de Romain Montiel

 

Laissez-nous vous présenter Romain Montiel, membre du Collectif de l’Autre Moitié depuis de nombreuses années !

 

Aujourd’hui, au sein de Collectif, il prend le rôle de compositeur et est aux commandes de la musique de notre nouvelle création à venir : Le Muséophone.

 

 

 

 

 

Peux-tu nous présenter brièvement ton parcours de musicien et de compositeur ?

 

J’ai commencé en autodidacte, en tant que batteur avec plusieurs groupes aux esthétiques variées, que j’ai accompagné sur scène et en studio. L’envie de composer a toujours été là, mais il me manquait un cadre pour aller au bout de mes idées. Après des études à la faculté de musicologie à Lyon, j’ai suivi un master de musique à l’image et ça a été le premier moment où j’ai vraiment pu commencer à composer des choses pour des courts-métrages étudiants, et surtout les finir, aller jusqu’au bout. Après, j’ai intégré  le cursus de composition pour l’image au Conservatoire National Supérieur de Lyon où j’ai appris l’orchestration et développé mon langage musical. Depuis, je continue – en parallèle de mon activité de compositeur – d’être musicien principalement avec le collectif. C’est quelque chose qui me tient à cœur de diversifier mes activités musicales, rencontrer de nouveaux musiciens, explorer de nouvelles formations tout en m’appuyant sur les acquis techniques que j’ai développé au cours de mes années de formation.

 

 

Dans ce spectacle (Le Muséophone), tu parles dans la note d’intention : « L’idée est bien évidemment de trouver une couleur musicale spécifique ». Comment trouves-tu cette couleur musicale? 

 

C’est un peu toute la difficulté avec les projets de cet ordre. Il faut être à la fois conscient des contraintes liées à l’effectif du groupe, au spectacle, à ses thématiques et en même temps lui trouver une couleur musicale qui va permettre au spectateur de ressortir avec des émotions en tête qui seront la résultante de tout ce qu’il a pu voir et entendre : la musique, la mise en scène, les costumes, etc…. Donc c’est ça la couleur musicale, c’est un peu abstrait mais c’est ce petit truc qui reste. Et c’est presque le plus difficile à trouver car dès qu’on a trouvé la voie dans laquelle on veut engager la musique, après le reste du travail c’est de réussir à traduire cette idée et rendre homogène la musique du spectacle. C’est un peu le moteur qui va donner toute l’inspiration pour la suite de la composition, et donner du sens et de la cohésion au spectacle. 

 

 

Tu as travaillé avec Xavier et Lisa, c’était très important pour toi de faire partie de cette « commission écriture »?  Et de quoi as-tu besoin pour écrire la musique ?

 

Je n’aime pas vraiment que la musique soit trop accrochée à un texte. Je préfère cette idée un peu abstraite que la musique plane un peu comme ça au-dessus d’un texte. Que ce soit pour un spectacle, pour un  film ou dès qu’il y a de l’habillage musical, j’aime bien que ce soit un petit truc en plus qui ne soit pas juste complètement collé au script ou au rythme des images. En revanche, c’est sûr qu’on a quand même besoin de connaître les enjeux et les personnages si tant est que leurs identités puissent trouver un sens musical. 

C’est pour ça que participer à l’écriture – ou en tout cas la suivre d’un œil attentif -, c’est ce qui me permet de récolter toutes ces informations. Une fois que j’ai tout le nécessaire relatif au texte et aux personnages, je me mets au travail sur mon ordinateur. Aujourd’hui, les outils numériques permettent d’avoir une première idée de la musique, même si c’est assez sommaire parce qu’il s’agit d’instruments virtuels. Bon, ce n’est pas forcément très joyeux à écouter, mais par contre ça permet d’entendre un premier rendu, de voir si l’équilibre fonctionne dans la composition. 

Puis enfin j’ai besoin des musiciens, et c’est là où c’est intéressant de pouvoir travailler avec le collectif, car je peux vite entendre ce qui marche et ce qui ne marche pas, faire des essais. 

 

 

Est ce difficile pour toi, compositeur, d’être aussi le musicien de tes propres compositions ?

 

Oui plutôt, parce que j’ai très rarement écrit pour moi. Comme je suis un compositeur qui écrit beaucoup pour de grandes formations, des orchestres avec des instrumentations assez conséquentes, de revenir sur une formation itinérante c’est compliqué parce que j’envisage rarement les parties de batterie et je n’aime pas vraiment les écrire en plus. La batterie ça a toujours été assez spontané chez moi et rarement intellectualisé, donc là il faut que je m’imagine à l’avance quelle va être la partie que je vais jouer et la place que je lui donne dans le morceau. C’est un petit challenge pour moi !

 

 

L’instrumentarium du collectif est riche mais peut-il aussi avoir ses limites ?

 

Oui ça a ses limites et c’est là où ça devient intéressant. Plus on a de limites, plus il nous faut être inventif. C’est vrai qu’à l’orchestre, écrire un tutti ou un climax c’est assez simple quand on a plein de pupitres. Là, on a des scènes de bataille par exemple dans le spectacle et instinctivement on pense d’abord à des instrumentations assez riches avec un son très nourri. Mais lorsqu’il faut retranscrire cette sensation de grandiose à seulement sept musiciens, ça devient tout de suite plus compliqué. Pourtant, paradoxalement c’est là où c’est le plus intéressant et le plus stimulant car il faut être capable de trouver des solutions et ça rejoint un aspect un peu bricolé de la musique qui me plaît bien, qui va référer à la musique circassienne ou à la musique de rue, être capable de raconter beaucoup avec peu. Donc des limites il y en a, mais on va dire qu’elles nourrissent l’imagination et l’inventivité. 

 

 

Tu es à l’écoute des propositions des autres musiciens, mais qui tranche si les idées fusent ? Toi ? Les musiciens ? La metteuse en scène ?

 

Vu que c’est une écriture collective, disons qu’il n’y a pas de règles. Bien sûr, je suis entièrement à l’écoute des musiciens, surtout lorsqu’il s’agit de personnes avec qui j’ai l’habitude de travailler et en qui j’ai confiance. C’est une vraie chance même de pouvoir être entouré d’autres musiciens parce qu’on passe beaucoup de temps à écrire des notes sur des portées qui n’ont pas trop de sens en tant que tel – surtout lorsqu’après on les joue avec un logiciel qui est incapable de délivrer la moindre émotion musicale – et dès que ça passe dans les mains d’un interprète tout prend sens ! 

Quant à savoir qui tranche, je dirais que c’est le spectacle qui tranche. C’est toute l’équipe en fait, incluant la metteuse en scène évidemment. Il ne faut jamais être fermé aux propositions des uns et des autres.

 

 

Concernant l’écriture des chansons, dans quelle sens la composition se déroule-t-elle ? D’abord les paroles puis ensuite la musique ? Ou l’inverse ?

 

On a fonctionné d’abord avec les paroles puis ensuite la musique. Je pense qu’on va essayer d’autres formules c’est-à-dire que si j’ai des mélodies en tête, je vais les donner à Lisa (la chanteuse et parolière) parce que ça peut aussi l’aider dans son écriture. Mais il n’y a jamais vraiment de règles. Ce qui est intéressant, c’est de se laisser porter par une idée de base et de se demander “si je lui propose cette mélodie, est-ce que ça va lui donner des idées ?”. Si elle, elle me propose une phrase, un texte, comment est ce que je travaille le rythme dessus, quelles idées musicales ça réveille en moi ?

Voilà, on va tester plusieurs configurations, trouver un espace de travail commun qui fonctionne.

 

 

As- tu d’autres projets d’écriture en parallèle de celui-ci ?

 

En ce moment je travaille beaucoup avec des musiciens de variété soit en tant qu’arrangeur, soit pour simplement les aider à construire et finir leurs morceaux, leur donner du recul. C’est un travail collaboratif qui me plaît beaucoup, de trouver que je peux apporter comme petit quelque chose en plus à une musique qui se tient déjà. Et en même temps, je suis libéré de la contrainte de partir de zéro, c’est-à-dire de la feuille blanche qui peut être parfois un petit peu effrayante. Je m’en rends compte, plus le temps passe plus j’aime travailler avec des artistes variés et à partir des idées d’autres musiciens. 

J’ai bien sûr mon activité de compositeur pour l’image, que ce soit pour du court-métrage ou même en ce moment du jeu vidéo, et j’y trouve toujours beaucoup de plaisir. Et j’ai aussi récemment entamé une collaboration en tant que chef d’orchestre avec l’Opéra de Toulon. Avec eux je fais du ciné-concert où j’ai la chance de diriger en direct mes propres compositions. C’est encore une autre manière d’aborder la musique à l’image parce que là c’est de la musique à la fois live et en même temps écrite. C’est un exercice périlleux, mais très stimulant et qui me plait beaucoup.